Le droit de soigner (derecho de curar)

Article écrit en mai 2013

On devait s’y attendre. A force de couper les budgets dans tous les domaines, l’Espagne touche aujourd’hui une limite grave qui peut avoir des conséquences lourdes pour sa population.

L’année dernière, le gouvernement a instauré une nouvelle loi sur la santé qui prive désormais de couverture sociale les étrangers sans papiers mais aussi les « touristes médicaux » (en particulier des britanniques) qui venaient se faire soigner à la charge du contribuable espagnol. Ce tourisme aurait même coûté près d’un milliard d’€ aux Régions Autonomes espagnoles en 2009.

On pourrait effectivement penser que ces « touristes » devraient payer au juste prix ce service mais la loi édictée par le gouvernement Rajoy prive aussi de soins les étrangers sans papier et les chômeurs en fin de droit ! Le prétexte avancé par la Ministre de la Santé – Ana Mato – s’appuie sur le fait que seuls peuvent bénéficier de la gratuité ceux qui payent des impôts. Argument curieux car la Sécurité Sociale est aussi financée comme en France par des cotisations sociales mais aussi par des rentrées fiscales (comme la TVA) que tous les résidents paient par exemple lorsqu’ils achètent des produits de consommation.

La santé est gérée en Espagne par les 17 Communautés autonomes. Certaines ont refusé radicalement d’appliquer cette loi. Par ailleurs, une fronde des médecins s’organise. Les professionnels de la santé ne souhaitant pas discriminer les malades et faire acte d’universalité dans leurs soins.

Des medecins s'opposent à la loi
Des medecins s’opposent à la loi

Cette loi est déjà dramatique, on compte déjà des  décès pour des grippes mal soignées dans ces catégories de population. Et selon, les médecins le fait de laisser des foyers de maladies s’installer risque de poser des problèmes graves de santé publique et une non assistance à personne à danger insoutenable même en période de crise.

A côté de cela, la pauvreté devient aussi un signe préoccupant dans ce pays. Avec un effet très direct sur les populations fragiles en terme de santé mentale et de santé physique. Aujourd’hui, 21 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (613€/mois). Les conséquences aussi sont évidentes : précarité énergétique, alimentation de mauvaise qualité, santé mentale affectée …. L’hiver dernier, les personnes âgées pauvres ont payé un lourd tribu à cause de la précarité énergétique. On parle de plusieurs milliers de décès imputables au froid dans les logements.

J’ai le souvenir dans les années 70  des dispensaires en Espagne qui vous soignaient gratuitement dans les hôpitaux publics. La médecine libérale n’était réservée qu’aux plus fortunés. Le clivage entre pauvres et riches étaient terribles à observer pour des petits immigrés qui vivaient en France habitués au médecin de famille. Je crains que les choses ne se détériorent de nouveau en Espagne. Dans un premier temps les risques de dérives xénophobes sont patents mais demain les chômeurs en fin de droit tomberont aussi dans une misère totale sans soin.

Sombre tableau. Heureusement, la solidarité de ce peuple permet de faire face avec une grande dignité à ce marasme. Les cellules familiales sont aussi les derniers remparts de résistance.

Si on peut comprendre le fait de faire des économies sur le tourisme médical les autres axes sont incompréhensibles dans les orientations politiques. La santé et l’accès aux soins restent l’un des bastions fondamentaux de toutes démocraties, l’austérité ne peut tout exploser ainsi, elle casse le ciment de la stabilité des peuples. Les modèles économiques qui restent encore à trouver devront sanctuariser les dépenses médicales avec intelligence sans pénaliser les populations qui résident dans les pays européens.

 

Xavier Picot Bataner

 

 

 

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