Gibraltar

Bizarrerie du confetti des colonies britanniques du 18ème siècle, cette enclave au sud de l’Espagne suscite encore des interrogations et parfois une crispation des autorités espagnoles. Il est bon de rappeler que l’ONU dit de Gibraltar qu’il s’agit d’un territoire à décoloniser … Certes, la population installée depuis trois siècles sur ce rocher n’a connu que la gestion et la protection de Londres, difficile même s’ils sont voisins et directement concernés par l’Espagne de trouver un intérêt à un rattachement à Madrid surtout au regard du marasme économique qui affecte la péninsule.

Gibraltar

J’aime bien le sous titre de la revue de Santiago Mendieta : « Gibraltar, un pont entre deux mondes ». C’est vrai d’un point de vue strictement géographique mais je suis moins sûr que l’empire britannique soit une porte naturelle du vieux continent. On connaît la puissance de l’ex empire et sa volonté coûte que coûte de préserver ses anciennes colonies aussi loin soient elles, aussi incongrues soient elles. L’épisode de la guerre des Malouines avec l’Argentine nous le rappelle. Et on peut faire un parallèle : Gibraltar et les Malouines sont des points de très grande importance sur un plan géostratégique et géopolitique si en plus –  comme aux Malouines – du pétrole off shore attend son exploitation, on comprend mieux les risques militaires qui peuvent naître de ces conflits d’un autre âge.

La récupération de Gibraltar par l’Espagne a toujours été un des objectifs majeurs du nationalisme espagnol même si Mariano Rajoy n’en fait pas une priorité et l’évoque rarement lors des sommets avec son homologue Cameron. Madrid a toujours voulu discuter directement avec Londres sur le dernier contentieux colonial européen qui cette année compte 300 ans, une occasion pour les deux pays d’aborder la question.

La ligne suivie par le Ministre des affaires étrangères espagnol a été de ne pas céder aux traditionnelles positions espagnoles et, dans la mesure du possible, de récupérer du terrain sur les négociations antérieures. Le Gouvernement du Parti Populaire a dit pour solder le forum tripartite – où s’asseyaient à la même table les représentants de Madrid, de Londres et du Rocher –   qu’il offrait comme alternative, l’organisation d’un forum avec des représentants de la Junta d’Andalousie. Proposition rejetée par le Foreign Office sous la pression des habitants de Gibraltar.

Détroit de Gibraltar

Chronologie

4 août 1704 

Gibraltar est occupé par une flotte anglo-holladaise pendant la guerre de succession espagnole.

13 juillet 1713

L’Espagne cède au Royaume Uni la propriété du Rocher.

1810

Expansion britannique dans l’isthme.

1938

Construction de l’aéroport qui s’agrandira pendant la seconde guerre mondiale.

10 septembre 1967

Référendum d’autodétermination : 12 138 votes pour rester au sein du Royaume Uni, 44 pour l’Espagne (jour de la fête nationale).

8 juin 1969

Franco ordonne la fermeture les grilles – frontières

14 décembre 1982

Réouverture des grilles frontières

27 novembre 2001

Pré-accord sur la souveraineté partagée.

7 novembre 2002

98,7 % des habitants de Gibraltar refusent la co-souverainté

On peut dire que les ponts sont rompus et les hostilités s’étendent sur tous plusieurs fronts. Le plus visible restant le domaine de la pêche. La police de Gibraltar harcèle les bateaux espagnols qui pêchent dans les eaux que les autorités du Rocher considèrent siennes et la Guardia Civil vient protéger ces pêcheurs, dans un jeu de chat et de souris qui un jour risque de mal se terminer.

La bataille se poursuit même dans le domaine du sport. Gibraltar a réussi à intégrer l’UEFA après 16 années de tentatives bloquées par l’Espagne qui a aussi réussi à exclure le Rocher de la fédération européenne de Rugby.

Mais le sujet d’importance majeure reste la fiscalité. Le tribunal de justice de l’UE a révoqué le régime de déclaration des habitants de Gibraltar qui date de  2002. Il a été remplacé par le « Gibraltar Act de 2010 » que l’Espagne a aussi dénoncé à la Commission Européenne. L’Etat espagnol maintient ce territoire dans sa propre liste noire convaincu que sa prospérité (7,8 % de croissance annuelle) est du à l’activité financière parasite environnant l’Espagne.

Les experts croient très improbables que Londres mette en place à moyen terme un plan de désengagement de la colonie. Entre autres raisons : parce que depuis les années 90, le Rocher est autosuffisant et ne coûte pas une livre au Trésor Britannique. Il n’est pas sûr non plus que les llanitos (habitants de Gibraltar en espagnol qui disposent d’un revenu moyen de 47 000 €/an contre 17 000 pour leurs voisins andalous) se sentent stimulés par un rapprochement avec l’Espagne. Cela dit, peut-être que l’annonce de Cameron sur un référendum en 2017 sur la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne risque de changer les choses. Si Londres sortait de l’UE, il le ferait avec Gibraltar. Certes, le Rocher est déjà en dehors de l’euro, de l’espace Schengen, de l’Union douanière et le Politique Agricole Commune mais il bénéficie de subsides de l’UE à hauteur de 10,5 millions d’€ sur le programme 2014 – 2020.

A ne pas en douter, cet anachronisme est potentiellement un sujet de discorde entre l’Espagne et le Royaume Uni. Ces restes de confettis coloniaux sont tous sources de conflits et de tensions. L’Espagne n’a pas vraiment de leçons à donner au regard de la situation de Ceuta et Melilla.

Et pourtant, Gibraltar n’est pas que la ville enclavée britannique que la péninsule ibérique, c’est surtout le passage obligé (relativement étroit) pour des milliers de navires qui transitent entre la Méditerranée et l’Atlantique, c’est aussi 14 km de mer qui séparent l’Europe de l’Afrique, un tout petit passage que lorgnent des millions d’immigrants africains. Ce détroit fait l’objet de nombreuses études pour la création d’un tunnel ferroviaire qui partirait du Maroc qui aboutirait sur le territoire espagnol. Il s’agirait de construire un tunnel ferroviaire sur une double voie d’un total de 38 km de long dont 28 sous la mer à une profondeur de 300 mètres. La ville de départ au Maroc serait Malabata et une arrivée en Espagne sur la ville de Tarifa le tout pour un coût global de 5 milliards d’€. Le projet pourrait aboutir en 2025.

Il ne s’agira plus d’un « pont entre deux mondes » mais d’un tunnel pour le transport des personnes et des marchandises entre les deux rives de la Méditerranée. Parfois les grands projets rapprochent les hommes, les idées, la tolérance …. Chiche !

XPB

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